(Texte et illustrations de Veronica Iani, traduction par Marina Erghelegiu)
Andrei regarda du coin de l'oeil autour de lui. Toutes les places du bus étaient occupées, le monsieur agé n'avait où s'assoir.
Il s'installa dans le siège.
- Mais, es-tu naïf ?!
Quand Andrei voulu offrir sa place au vieux monsieur.
- Il y a aussi d'autres personnes qui peuvent donner leur place, l'interpella Mihnea en le tirant alors par la manche.
- Hé bien quoi, tu n'es pas bien à côté de nous?
«Mihnea bien-entendu a raison, quelqu'un d'autre pourrait donner sa place», se dit Andrei pour se calmer.
- Connaissez-vous ce jeu? Il est super! Mihnea en élevant la voix tira de sa poche son téléphone.
Dragos et Sorin s'approchèrent pour mieux y voir. Andrei n'avait pas envie de ça, car il observait le reflet des yeux du vieux monsieur dans la vitre, qui les observait avec gentillesse, comme pour lui dire de se rapprocher ses amis.
- Hé les garçons ! Cria quelqu'un dans le bus. A côté de vous il y a une personne agée.
- Și vous êtes si inquiet, pourquoi vous ne donnez pas vous-même votre place? Répliqua immédiatement Mihnea.
Andrei devint tout rouge jusqu'à la pointe des oreilles.
- Venez vous assoir ici, un homme se leva de derrière Andrei.
Le vieux monsieur sourit reconnaissant.
- Je vous remercie, mais il n'y a pas besoin. Soyez rassuré.
Andrei souffla de soulagement.
«Il ne veut même pas s'assoir, je me suis stressé pour rien.»
Les arbres du bord de la route défilaient rapidement devant la fenètre, cependant les yeux du vieux monsieur se fixaient à la même place, tout en le regardant.
Andrei descendit d'un arrêt avant le sien.
- Mais tu as encore du chemin à faire ! Lui cria Dragos à sa suite.
- J'ai quelque chose à faire, ronchonna t-il en regardant ses amis.
Il n'aurait supporté de rester cinq minutes de plus à côté du vieux monsieur.
Quand il sentit l'air frais du dehors, il souffla rassuré. Arrivé dans la cour de sa maison il s'arrêta à côté du bonhomme de neige, celui qu'il avait fait avec Ana, sa soeur. Cette fois-ci ça tête ne l'amusait plus.
Le regard du vieux monsieur le poursuivait encore.
Il s'assit sur une caisse en soupirant.
- J'ai l'impression ou tu parles avec le bonhomme de neige ? Il entendit la voix de son gran-père venant du seuil de la maison.
- Je me parlais à moi-même, dit Andrei et il lança une boule de neige sur une corneille.
- Tes pensées mettent en danger les corneilles, rit le grand-père en sortant dans la cour. Mais que s'est-il passé ?
Andrei se tut un moment. Son grand-père s'assit à côté de lui, en attendant.
Je ne sais même pas pourquoi je me sens fautif, commença Andrei. Vraiment le vieux monsieur ne désirait pas s'assoir.
Il raconta rapidement à son grand-père ce qu'il s'était passé dans le bus.
-Hum, son grand-père fronça les sourcils et se tut.
A mesure que se prolongeait le silence de son grand-père, celui-ci devenait de plus en plus difficile à supporter.
- Dis quelque chose grand-père, murmura Andrei.
- Moi aussi je reste sans parole, comme toi dans le bus.
Hé bien je crois que je me suis coincé. Je ne peux plus me lever.
- Je sais que ce n'a pas été gentil que...
- Hé, il semblerait que gentil soit juste un mot. Nous avons plutôt besoin de faire des choses correctes, pas gentilles. Il est plus facile que les autres s'occupent de choses que toi tu aurais pu accomplir.
- Ils se seraient moqué de moi, dit Andrei d'une voix éteinte.
- Je crois que j'avais sept ou huit ans, continua le grand-père. Dans notre classe il y avait un petit garçon, Tudor, qui n'entendait pas très bien. A cause de ça, il lui arrivait toutes sortes de choses inconvenantes. Les enfants le considéraient comme étant étrange et ne jouaient pas avec lui, jusqu'à rejeter la faute sur lui même quand il n'était pas coupable. Il en souffrait beaucoup, mais que pouvait-il faire?
Un jour, Madame la directrice est entrée en colère dans la classe et nous a dit que le jour précédent une fenètre avait été cassée. Elle voulait découvrir qui avait fait la bêtise. Nous avons entendu en choeur : «Tudor, Tudor !» Mais ce jour-là, il n'était pas à l'école. Tous le savaient.
- Et ? Tudor ne s'est pas défendu ?
- Bien sûr, cependant les autres étaient beaucoup plus.
Quelle injustice ! Se révolta Andrei.
- C'était comme ça, mais il s'est passé quelque chose d'incroyable. Iulia, notre camarade, s'est dressée et a dit d'une voix trachante : «Tudor n'est pas fautif ! Hier, il était absent de l'école. Vous en êtes arrivés à lui faire porter le chapeau à chaque fois. N'avez-vous pas honte!»
Ses yeux noirs lançaient des éclairs. Ce fut la plus belle leçon de courage.
- Et? Demanda Andrei impatient.
Tudor échappa à la punition, mais les enfants commencèrent à l'évitaient elle aussi.
Andrei baissa le regard.
- Oui, ce ne fut pas facile pour Iulia, mais, que crois-tu ? Sourit le grand-père. Tudor est devenu son meilleur ami.
- Et toi qu'as-tu fait? Demanda t-il sans lever les yeux.
- Moi, je suis ce Tudor là, et le gran-père éclata de rire.
Andrei le regarda de marbre.
- Et maintenant que puis-je faire? J'ai été lâche. Je n'ai pas eu le courage de parler.
- Aucun problème, donnons-nous un peu de courage, dit le grand-père et il commença à chercher dans ses poches et sortit une clef et la tendit à Andrei. Le garçon le regarda longuement.
- Ca, c'est une clef rouillée. Tu te moques de moi?
- Moi ? Jamais. Tu vois cette clef? As-tu déjà entendu d'un homme qui est né avec une clef à la main.
- Bien sûr que je ne l'ai jamais entendu.
- Moi non plus. Et moi non plus je n'ai jamais entendu parler d'un homme né tout de suite courageux. Le courage s'apprend. En premier lieu il faut avoir la force d'avoir le courage, pour voir que c'est possible.
- Ca m'aurait plu d'avoir au moins un peu du courage de Stéfane le Grand.
Il n'avait pas terminé, qu'il se retrouva sur le dos, tiré dans la neige. Au-dessus de lui apparut la tête de Ana, sa plus petite soeur.
- Ttt... tu te rends? Dit-elle en riant
- En aucun cas! Cria Andrei.
Il sauta sur ses jambes, prit Ana dans ses bras et la jetta dans la neige.
- Haaa... Au secours Ggg... Grand-père, au secours!
- Ca suffit Andrei, tu l'as assez roulé dans la neige, rit le grand-père.
Ana se secoua la neige et courru vers la maison en riant. Arrivée à la porte, elle s'arrêta et roula une boule de neige et la jeta sur Andrei.
- Tu vois, ça c'est du courage! Dit le grand-père.
Et elle n'est même pas Stéfane le Grand. Mais, Andrei, tu dois savoir que même Stefane le Grand parfois eut peur. Cependant en sachant qu'il avait à lutter pour le pays, il n'eut plus d'états d'âme.
Puis-je garder la clef?
- Garde-la. Tu peux aussi lui coller une étiquette : «Le courage est la clef qui t'aide à faire le bien». Mais, Attends! Je vais voir car probablement je t'ai donné la mauvaise clef. Parcequ'il existe aussi une autre forme de courage.
- Une autre forme de courage ? S'étonna Andrei.
Hé bien, oui. Quand ton ami a dit : «Si vous êtes si inquiet, pourquoi vous ne donnez pas vous-même votre place?» il s'agissait aussi d'avoir du courage. Celui de commettre de mauvaises choses, et ça s'appelle être désobéissant.
- Grand-père, maintenant que j'ai accepté la clef, j'essaierai une chose courageuse : je vais demander à grand-mère qu'elle fasse aujourd'hui des crêpes au chocolat.
Le grand-père se leva et parti vers l'entrepôt. Il lui cria de loin :
- Essaie. Moi, je n'ai pas autant de courage !